Les enfants immigrés à l’école à Angers et Trélazé (1978-1979)

Après les femmes, les enfants. Mais alors que la recherche sur les femmes était une recherche individuelle lien vers , la recherche sur les enfants est collective. Toujours avec l’appui de l’ADATI lien vers, l’Institut de psychologie et  des sciences sociales appliquée (IPSA) lança une enquête, dirigée par Janine Brouard, menée par vingt étudiants (octobre 1978-décembre 1979). Ces étudiants, soit lors d’entretiens, soit par questionnaires, interrogent élèves, instituteurs, familles. La publication de l’enquête  provoque de nombreux commentaires de la presse. Les trois quotidiens angevins la présentent à leurs lecteurs.

Combien d’enfants scolarisés ? 1277 dans les deux villes d’Angers et Trélazé en 1978. On ne dispose pas de l’effectif total des immigrés pour ces deux villes à cette date ; mais on peut approximativement évaluer qu’un immigré sur deux est à l’école ! « Immigré » : le mot est d’ailleurs discutable, puisqu’un quart des enfants sont nés en France, selon leurs réponses, la moitié selon l’instituteur. Le poids de l’immigration récente et familiale des  années qui précèdent l’enquête se reflète dans les statistiques : le flux est régulier, le nombre d’enfants par niveaux, en classe de maternelle et en  classe élémentaire, est à peu près le même.

 AlgériensMarocainsTunisiensPortugaisTurcsAutres
Enfants scolarisés en 1978-197910%43%20%12%9%6%
Immigrés présents à Angers en 197518,5%34,5%27%6,5%5%8%

On voit bien la place dans les écoles des enfants des couples jeunes derniers arrivés : Turcs, Portugais, Marocains. Rien d’étonnant à ce que 43% des enfants de l’école élémentaire aient commencé leurs scolarité à l’école maternelle.

Comment accueillir les enfants qui ne parlent pas français ?

Le témoignage d’un instituteur à Trélazé en classe d’initiation

Des enfants comme les autres ?  42% regardent la télévision (trois chaînes à l’époque) tous les soirs, le mercredi, le samedi et le dimanche ;  80% des enfants ont des disques ou des casettes chez eux, légèrement plus de vedettes françaises qu’étrangères. 73% ont des jeux à domicile. 89% des garçons font les courses, contre 86% des filles ; 39% des garçons font la vaisselle, et 87% des filles. 42% des garçons, et 50% des filles servent d’interprète.

 

Une appréciation différenciée des résultats scolaires.

 Selon les enfantsSelon les maîtres
Très bon-13,5%
Bon37,8%31%
Moyen46%23%
Médiocre-25,6%
Faibles16,2%6,7%

 

Les rapports entre élèves (sur 74 élèves)

Les élèves étrangers ont des : Selon les enfantsSelon les maîtres
Camarades français et étrangers6350
Camarades uniquement français714
Camarades uniquement étrangers410

 

Le multilinguisme

 Langue utilisée avec les enfants selon la mère1Langue utilisée avec les enfants selon les parents2Langue utilisée avec les enfants selon les enfants2
Langue maternelle40%69%53%
Français uniquement-24%39%
Les deux60%7%8%

1 Selon l’enquête de MO DURAND

2 Selon l’enquête de Janine Brouard

Selon les maîtres, 38% des pères et des mères parlent bien le français ; 3,4% des pères ne le parlent pas, mais 27,5% des mères.

 

L’apprentissage de la langue maternelle :

Sur 29 familles interrogées : 20 sont concernées : dans 13 familles cela se fait à l’école, dans 7 hors de l’école.

Sur 74 enfants interrogés, 55 suivent les cours.

Quel est le point de vue des instituteurs étrangers chargés de cet enseignement : lien vers la mise en place ELCO

« Les parents n’appuient pas suffisamment l’enseignement de l’arabe. C’est notamment le sentiment de l’instituteur marocain : « les parents sont tout à fait indifférents…Eux, ils gagnent leur vie, qu’ils aient été à l’école ou non…Leurs enfants, ils les laissent comme ça…Quand ils vont avoir 16-18 ans, peut-être vont-ils avoir une carte de travail, avec arabe ou sans arabe, ils vont travailler… » -De plus, certains parents disent « pour nous maintenant, la France, c’est le pays, les enfants, ils vont rester là ». (p. 39)

L’instituteur tunisien à la même impression : « dans certaines familles, les parents cèdent à l’influence des enfants. Les enfants ont été dès l’âge de 3 ans à l’école maternelle, ensuite ils sont toute la journée à l’école primaire, pour eux, l’arabe, c’est une langue étrangère, et les parents se trouvent très souvent devant le fait accompli : leurs enfants n’ont appris que le français, ils se mettent aussi à leur parler en français… » (p. 40)

 

Conclusion des observateurs

a

Jean-Luc Marais