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Document 1 - ADATI - Flash d’information n°1, avril 1976

« Mais même si des permanences d’accueil étaient multipliées sur le Maine-et-Loire,  serait-ce suffisant ??

Car enfin, tous ces «étrangers » » qui viennent, en fait nous aider à maintenir notre système économique actuel, ont sans doute rarement l’occasion de se sentir vraiment accueillis par les habitants d’un pays dont on clame les traditions d’hospitalités. Et cette hospitalité ne peut pas se traduire uniquement par des structures administratives mais par un climat humain.

Bien sûr, il est évident que nul d’entre nous n’a à se pencher sur le sort des immigrés, mais à essayer de se RENCONTRER avec eux pour construire ensemble une société commune …. Plus juste.

Cela suppose que nous soyons attentifs à ce que ces travailleurs peuvent nous apprendre sur un autre style de vie, un autre pays, une autre façon de concevoir les choses ».

 

Fonds ADATI, actions (ADML, 447 J 17)

Nous reproduisons intégralement ici (sauf un paragraphe signalé) un document polycopié de 9 pages rédigé par l’ADATI début 1976, probablement par la responsable de la permanence de Cholet, Madame Gaboriau.

SITUATION DES TRAVAILLEURS ET DES FAMILLES IMMIGRéS A CHOLET AU 31 DECEMBRE 1975

  1. Evolution de la population migrante
  • Evolution de l’immigration depuis 1972

au 31 Décembre 1972………1.491
au 31 Décembre 1973……..2.148
au 31 Décembre 1974……..2.332
(introduction de la main d’œuvre étrangère arrêtée pour tous les travailleurs au 1er Juillet 74)
au 31 Décembre 1975………2.429
soit 31 nationalités dont
6 nationalités regroupent 2.346

De 1974 à 1975, malgré l’interdiction d’introduire de la main d’œuvre étrangère en France, il y a eu un accroissement de 97 migrants.
Ceci correspond à l’arrivée des familles (épouses et enfants de moins de 17 pur les garçons et de moins de 18 ans pour les filles) ; puisqu’au 1er janvier 75, il y avait 30 demandes d’admission de famille en cours, comptant en moyenne 3 à 4 enfants (Maroc, Turquie, Yougoslavie)

2. Les Nationalités dominantes

1° LES PORTUGAIS

2° LES MAROCAINS

3° LES YOUGOSLAVES* (diminution par rapport à 1974)

4° LES TURCS

5° LES ALGERIENS

6° LES TUNISIENS

3. Etude quantitative

TABLEAU 1 : STATISTIQUE DES FAMILLES RESIDANT A CHOLET

NATIONALITESNOMBRE DE FAMILLE
PORTUGAIS178
MAROCAINS106
TURCS17
ALGERIENS16
YOUGOSLAVES10
TUNISIENS9
TOTAL336

Ce total représente le nombre de familles dont on connaît les conditions de logement.

TABLEAU N°2 STATISTIQUES PAR TRANCHE D’AGE AU 31/12/75

NATIONALITESMOINS DE 16 ANSPLUS DE 16 ANSTOTAL
1 PORTUGAIS5548621416
2 MAROCAINS117345462
3 TOUGOSLAVES14111125
4 TURCS3273105
5 ALGERIENS2478102
6 TUNISIENS23436
TOTAL74315033346
25 AUTRES NATIONALITES32151183
TOTAL GENERAL77516542429

Les 6 Nationalités dominantes représentent :
-96% des moins de 16 ans
92% de l’ensemble de la population migrante.

4. Evolution démographique

TABLEAU N°3 / STATISTIQUES DES NAISSANCES EN 1975

NATIONALITES    
L. BONNEVAYMAUGESAUTR. QUART.TOTAL
PORTUGAIS1481739
MAROCAINS74617
YOUGOSLAVES-2-2
TURCS3--3
ALGERIENS12581
TUNISIENS1-34
TOTAL26163173

NAISSANCES PREVUES ET DECLAREES POUR LE 1ER SEMESTRE 76

Total : 44 dont 29 pour les familles résidant dans le secteur Sud de Cholet (L. Bonnevay et Chiron)

II. CONDITIONS DE LOGEMENT

  1. Travailleurs isolés

FOYER SONACOTRA : 256 chambres
Difficultés d’adaptation (discipline, collectivité, isolement). Loyer trop élevé (ceux qui font le maximum d’économie en vue du retour au pays d’origine).
FOYER DES JEUNES TRAVAILLEURS : très peu (à condition d’avoir moins de é( ans).
EN MEUBLE EN VILLE : mode de logement très apprécié :
-économie : loyer partagé à plusieurs
-indépendance
-regroupement par ethnie et affinités
SUR LE CHANTIER : dans le bâtiment : ORB (Turcs), usine Michelin (Yougoslaves)

2. Familles : dont le nombre doit varier entre 450 et 500

-EN COLLECTIVITES : type HLM, ou autres logements sociaux à usage locatif (voir tableau 4)

-EN LOCATION INDIVIDUELLE DANS DIFFERENTS QUARTIERS DE LA VILLE : maisons souvent vétustes. D’une manière générale, pas de problèmes importants dans ce domaine au niveau des attributions de logement. Ou logements trop insalubres
Toutefois, l’adaptation au type de logement soulève plusieurs problèmes :
– accueil difficile par les familles voisines dans les grandes cités : racisme.
– la vie en collectivité exige une discipline (enfants, regroupements des familles musulmanes)
– l’inhabitude du confort : incidents fréquents lors de l’usage d’appareils électriques  (chauffe-eau, chauffage au gaz)
– d’autre part difficultés à différencier les charges réglées avec le prix du loyer, et celles telles que gaz et électricité à régler en plus.

Les besoins se situant donc au niveau d’une assimilation des clauses des contrats établis en Français dont ils ignorent le contenu.
Il serait donc nécessaire :

-que ces formalités soient traduites, ainsi que les explications concernant l’image des appareils mis à leur disposition.
-que les attributions de logement ne se fassent pas uniquement dans une même cité où la concentration des familles étrangères contribue à accentuer la racisme.

[le tableau 4 non reproduit donne la répartition de 296 familles entre les différents organismes de logement collectifs]

REPARTITION PAR QUARTIER

SUD ET SUD-OUEST DE CHOLET : 2O5 familles dont 195 pour 1 cité.
OUEST DE CHOLET :                        38 famille (Bretagne, Bostangis)
EST de CHOLET : 59 familles (Favreau, Mauges, Calins)

LA POPULATION DES HLM PAR TRANCHES D’AGE

D’après les renseignements recueillis près des organismes de logement, nous savons que vivent en HLM :
250 familles (6 nationalités) avec : 251 enfants de moins de 6 ans
253 enfants de 6 à 16 ans                    total : 542 jeunes
38 enfants de plus de 16 ans
ce qui représente plus des 2/3 du total des jeunes immigrés, 775 en dessous de 16 ans (tableau 2)
La cité Laurent Bonnevay à elle seule a accueilli 195 familles avec 436 jeunes de 0 à 16 ans.

III. ETUDE SUR LE PLAN SANITAIRE DE LA POPULATION MIGRANTE
(chiffres communiqués par l’Hôpital de Cholet)

TABLEAU N°5 : RECENSEMENT DES HOSPITALISATIONS POUR 1975

NATIONALITES


ADULTESENFANTSTOTAL
PORTUGAIS8044124
MAROCAINS481664
ALGERIENS13720
YOUGOSLAVES13720
TURCS9312
TUNISIENS606
Total16970239
AUTRES NATIONALITES18321
TOTAL GENERAL18773260

A ces chiffres, i faut ajouter les hospitalisations en clinique et dans les CHR d’Angers ou de Nantes. Les causes des hospitalisations : maladies, accidents de la circulation, accidents du travail.
Les médecins procèdent fréquemment à des hospitalisations en raison de l’impossibilité de communiquer avec les travailleurs migrants, et de se faire comprendre au niveau des prescriptions.

CONSTATATIONS POSITIVES

Les familles observent les règlements sanitaires dont elles ont connaissance : au niveau PMI, nous constatons que les familles fréquentent régulièrement les consultations de nourrissons, les séances de vaccinations.

Toutefois, la difficulté majeure se situe toujours au niveau du langage :
-difficulté à comprendre les prescriptions
-alimentation
-soins
Nécessité d’expliquer chaque fois par le geste. D’où obligation d’une surveillance et d’une disponibilité importante, ce qui ne peut pas toujours être réalisé compte tenu de l’équipement en personnel médico-social.

IV- LOCALISATION DES BESOINS

Formation générale à dominante linguistique

Considérant les six nationalités citées précédemment et représentant le plus fort pourcentage de la population migrante, il faut distinguer deux catégories :

  1. Les travailleurs répondant à l’offre de la France et venus temporairement améliorer leur condition de vie, constamment à la recherche d’un travail ou de travaux plus rémunérateurs.
  2. Les travailleurs et leur famille souhaitant rester définitivement en France. Ceux-ci représentent une minorité ; les problèmes d’adaptation sont différents et moins importants.

Dans le premier cas : il s’agit surtout d’une main d’œuvre non qualifiée, travaillant beaucoup, avec des horaires très irréguliers (2/, 3/8), se déplaçant très fréquemment (bâtiment), persistance d’un certain racisme entre les ethnies.

L’acquisition de la langue française parlée est très sommaire, l’assiduité aux cours d’alphabétisation n’est guère possible, compte tenu du déroulement de ces cours actuellement. Ils nécessite beaucoup de courage, de persévérance, pour un résultat médiocre la plupart du temps.

Il est pourtant évident, que toutes les difficultés d’adaptation de la population migrante reposent essentiellement sur une insuffisante assimilation de la langue française, empêchant toute communication : soit dans la vie courante, soit dans le milieu de travail.

Par conséquent, il est nécessaire de développer l’ALPHABETISATION : pour les salariés, pour les non-salariés, femmes et enfants de plus de 16 ans, pour les enfants scolarisés.

1 ) Pour les salariés : Nécessité de la rendre obligatoire au moins pendant les deux premières années de la vie en France, à raison de 33 heures de cours par semaine, pour les travailleurs et pour les entreprises employant de la main d’œuvre étrangère. Dans la majorité des cas, il faut que les cours soient pratiqués sur le temps de travail. Que le contenu de l’enseignement tienne compte de la partie de la législation nécessaire à l’adaptation du travailleur et de sa famille en France, qu’elle se distingue des actions de formation en vue de l’adaptation spécifique au poste de travail, de la formation professionnelle au titre de la promotion, que des crédits suffisants permettent d’acquérir le matériel pédagogique nécessaire, que la formation des formateurs soit assurée par des organismes compétents et qu’elle soit obligatoire.

2)Pour les non salariés : femmes et enfants de plus de 16ans. Possibilité de cours à domicile ou en groupe (suivant le cas), mais qu’ils soient obligatoires, pendant les deux premières années de vie en France. L’enseignement doit rester très pratique, utilisation de l’audio-visuel, et doit être dispensé par des personnes ayant suivi une formation appropriée.

3)  Pour les enfants scolarisés : en liaison avec les classes et les établissements les recevant, mettre en place ou renforcer le rattrapage scolaire pour leur permettre d’accéder aux mêmes formations que celles offertes aux enfants français (il s’agit principalement des enfants arrivés à 10 ans en France, et qui n’ont pas bénéficié de l’enseignement primaire).

En ce qui concerne les autres formations, telles : l’adaptation socio-professionnelle, la préformation, la formation professionnelle ; il semble que peu de travailleurs migrants en aient bénéficié.

En conséquence :
-Fréquence des accidents de travail
-Maintien de cette catégorie de travailleurs dans les emplois non qualifiés
-Parmi les jeunes également peu bénéficient actuellement d’une formation professionnelle.

 

 

 

 

 

Document 2 - Rapport de l'ADATI sur Cholet (1976)
Document 3 - 1978 - Les femmes musulmanes : regard de sociologue

Marie-Odile Durand-Fresneau, Et femme, et immigrée, et musulmane, 1978, ADATI/APTIRA, 77 pages.

6

 

Ce mémoire de maîtrise de sociologie du travail a été réalisé dans la cadre d’un cursus au Centre de psychologie sociale de l’UCO d’octobre 1977 à avril 1978. Pour réaliser ce mémoire, M-O Durand s’est appuyée sur l’ADATI, et a également demandé l’appui des monitrices de l’APTIRA, en particulier pour la diffusion d’un questionnaire (en français) auprès des femmes. Le rôle des  monitrices était essentiel pour assurer la diffusion du questionnaire, son explication, et le retour des réponses. Ce questionnaire suscita de vives réactions chez des monitrices de l’APTIRA, dont certaines refusèrent de le diffuser et de le faire remplir. Le directeur de l’ADATI soutint l’étudiante. 55 questionnaires furent remplis (35 diffusés par l’étudiante, 20 par des monitrices de l’APTIRA). Pour d’autres informations, le service des étrangers de la préfecture et la Caisse d’allocations familiales refusèrent, au nom de la protection des personnes, de fournir  des données nominatives.

 

On trouvera ci-dessous, non le texte intégral, mais les passages susceptibles d’intéresser le lecteur d’aujourd’hui. Les textes cités sont en italique.

Introduction (extrait)
« Nous voulons donc intégrer la femme dans la vie sociale mais ce projet porte en lui-même une ambigüité : est-ce assimiler la femme immigrée à la femme française dans son mode de vie ou l’aider à vivre ses désirs, sa culture sans crainte et risque de racisme ? Le choix n’est pas si simple ».

I. La population féminine immigrée

 Nb logementsNb personnesMaghrebTurcs
HLM Angers2009401406
O. départ. HLM74320181
SA Le toit angevin14470010114
SA Logis Ouest4142-
SA Val de Loire18772011315
Total603269437435

On peut à partir de ce tableau calculer la taille moyenne des ménages étudiés : 6,6 personnes (rappelons que le ménage, pour les statisticiens, c’est l’ensemble des personnes vivant ensemble –sans tenir compte des liens de parentés).
Situation familiale des immigrés à Angers

Mariés 1 enfants2 enf.3 enf.4 enf.5 enf. et plus
15958454382

 

II. L’immigration familiale
p.6
« –Un grand nombre migrants sont venus seuls pour des raisons économiques et veulent faire venir leurs femmes et enfants pour reconstituer une structure familiale indispensable à leur bon équilibre. Nous savons combien cette structure familiale et la vie communautaire sont les bases de toute la vie sociale dans la population arabe
-Le travailleur migrant a besoin de retrouver une indépendance affective et économique vis-à-vis du groupe familial du pays d’origine. Lors de nos rencontres, combien de femmes, nous ont dit être heureuses d’avoir leur mari le dimanche et le soir après le travail ? L’intimité du couple occidental et la cellule familiale restreinte sont très souvent désirées au départ.
-l’amélioration des conditions de vie (le logement, l’instruction des enfants, un plus grand pouvoir d’achat) est très souvent évoquée comme motifs pour le regroupement familial. »
La réglementation impose au demandeur de disposer d’un logement suffisamment grand pour la famille qu’il va faire venir. Or ces logements sont rares, de plus, le demandeur doit payer le loyer alors même que la famille n’est pas arrivée, sans avoir les allocations dont il bénéficiera par la suite.
La réglementation interdit à la femme de rechercher du travail.
III. Etudes des activités sociales des femmes
L’auteure a eu une rencontre collective avec 6 centres sociaux sur les 9 contactés (assistantes sociales, puéricultrices, conseillères ménagères). Sans pouvoir établir de statistiques, on peut établir les raisons de la venue des femmes immigrées, dans l’ordre : consultations de nourrissons, permanences des assistantes sociale, cours de couture (BB et Trélazé les plus fréquentés), cours d’alphabétisation. Mais les différences sont grandes selon les ethnies.
les interlocutrices soulignent les différentes par ethnies.
Les monitrices remarquent que les femmes accaparent pour elles la monitrice, tout, tout de suite. Elles réagissent violemment à un refus ; l’auteur s’interroge sur ce caractère « individualiste »
Pour les consultations de nourrisson, elles viennent en groupe et restent toutes tout le temps de la consultation de tous les enfants. « Le personnel social a très souvent mis en relief son manque de connaissance de la culture des femmes immigrées »

PMI et CHR
« Les syndromes rencontrés chez les femmes immigrés sont aggravés par une communication difficile avec le personnel médical. Le malade n’arrive pas bien à préciser ses symptômes par le langage qui l’arrête, mais aussi par l’attitude de réserve pudique que toute femme musulmane aura vis-à-vis d’un médecin et d’un gynécologue homme.
Les femmes immigrées sont sujettes aux maux d’estomac, maux de têtes. Mais qui sont toujours liés à une adaptation difficile comme aussi aux conditions de vie. Bruit dans les appartements trop petits, nourriture pauvre en protéines, s’ajoutant à un isolement mal vécu. La maladie devient alors un appel au secours, un mode de [la] communication que l’on refuse aux femmes.
La sante de la femme ne s’exprime pas seulement en terme de pathologie.
La contraception, la stérilité et la fécondité sont les éléments les plus importants de la vie de la femme immigrée.
Nous savons que la femme immigrée a essentiellement au sein des communautés un rôle de procréation.
De plus en plus, les femmes immigrées revendiquent une limitation des naissances pour des raisons matérielles et économique ; elles sont en réalité psychologiquement loin d’être prêtes. Elles ont été élevées dans la peur de la stérilité, et dans l’orgueil d’être féconde au maximum. C’est pourquoi les gynécologues rencontrent de nombreuses femmes immigrées « intellectuellement converties » à la contraception mais présentant de nombreuses réactions psychosomatiques, à l’absorption de la pilule par exemple. »
IV. Statut et rôle de la femme immigrée

1 Etude du droit familial

II Etude de la famille musulmane traditionnelle

Le questionnaire auprès des femmes :

55 (dont 2 à Cholet, Turques, et 2 à Saumur (Algériennes). 35 diffusés par l’auteur, et 20 par monitrices APTIRA.

54 femmes, Algérie 6, Tunisie, 14, Maroc 27, Turquie 7.

Sur 54 femmes, 11 non mariées (dont 1 divorcée et une veuve), 1 Algérienne, 10 Marocaines)
Quartiers d’habitation : Belle-Beille 20, Roseraie 6, Monplaisir 4, Verneau 1, Trélazé, 3, Centre ville, 7,


Origine Ville : 70% Campagne 30%. Maroc : Casablanca, Algérie : Alger

Mariage
Sur 43 femmes mariées, 23 mariées dans le pays d’origine quand leur mari était en France, et vivant ensuite dans leur belle famille (Algérie 3, Tunisie 8, Maroc 10, Turques 3).
8 venues avec le mari à son entrée. 9 sont venues aussitôt après le mariage pour rejoindre le mari.
(p. 41) 75% des femmes n’ont pas choisi leur mari. 67% ont peu connu leur mari avant le mariage. 41 % ont épousé un cousin.

Habitat
63 % des femmes habitaient en maison, dont elles étaient majoritairement propriétaires.

Le départ, leurs expériences en France

Tableau sur date d’arrivée

 AlgérieTunisieMarocTurquieTotal
76-77239317 ( 31%)
74-7511-46 (11%)
72-731215-18 (13%)
70-712410-16 (30%)
64-69-53-8 (15%)

89% des femmes venues dans le cadre du groupement familial.
42% moins de 6 mois de délai, 22% 1 an, 22 % plus de 2 ans, pour obtenir l’autorisation.

A l’arrivée, 28% des femmes logées en HLM, 28% en cité de transit (logements provisoires, avant démolition), et 18% en meublés, 26% autres solutions. (à noter que 5 Turques sur 7 vont directement en HLM

62% des femmes ne connaissaient pas le Français (81% des marocaines, 86% des turques)

(Conclusion du paragraphe sur les premières expériences) : p 60

« Les femmes Maghrébines et Turques viennent retrouver leur mari. Malgré des logements précaires et décevants pour elles (passage de la maison d’origine à un appartement plus ou moins grand et plus ou moins confortable) elles n’en font pas leur première plainte. L’impossibilité de communiquer, de retrouver une ambiance familiale, chaude et réconfortante, dépasse les autres soucis. Et ceci, malgré les gestes d’accueil qui sont exprimés par les amis du mari. Rien ne remplace semble-t-il, la vie de famille et ses habitudes. Devant cet isolement, la femme est le plus souvent déroutée et paraît perdre son rôle de mère et de femme. L’isolement affectif et social ont des répercussions et rendent la femme sinon malheureuse, en tous cas souvent passive et dépassée par ce qui lui arrive ».
Parmi les femmes ne connaissant pas le Français, 46% l’ont appris (essentiellement tunisiennes et marocaines, (à 85% chez elles)

Pratique religieuse
Observation du Ramadan

ObservéALGERIETUNISIEMAROCTURQUIETOTAL
FEMME5 / 83 %11 / 78%25 / 93%6 / 86%87%
MARI4 / 80 %7 / 50%16 / 95%6 / 86%77 %
ENFANTS1 / 20 %2 / 14%3 / 18%13%

Contraception acceptée :
Algérie, 5 soit 83%, Tunisie, 8 soit 57%, Maroc 12 soit 44%,Turquie 4 soit 60%. Total, 54%

p. 67. Langue maternelle
La langue maternelle utilisée par la mère avec les enfants : 40% (mais de 20% Algériennes, à 71% Turques). « Les femmes parlent souvent les deux langues avec leurs enfants (60%) alors qu’avec leur mari, elles parlent plus souvent leurs langues d’origines. Souvent les femmes s’attristent devant la perte de la langue maternelle de leurs enfants ».
A la question (ouverte) sur l’avenir professionnel des enfants, il y peu de réponses, mais les enfants sont jeunes :
« Les femmes désirent voir leurs enfants vivre heureux, et avec une aisance matérielle suffisante. C’est la raison pour laquelle beaucoup de femme ne veulent pas revenir immédiatement dans leur pays d’origine ; la crainte du chômage, d’une profession sans qualification et surtout sans sécurité semblent être grande chez toutes ces femmes interrogées »

p. 70 Le travail.

Femmes travaillant à l’extérieur

TRAVALGERIETUNISIEMAROCTURQUIETOTAL %
En usine-2 (14%)2 (7%)-7%
Ménages-26 (22%)-15%
Aucun trav.100%10 (71%)19 (71%)100%77%

Sorties des femmes
Amies du pays, 50%, Françaises 22%, Aucune 18%

L’argent et le retour..
p. 71 « Les femmes se font à l’idée de rester en France jusqu’à ce que les enfants soient élevées et dans une meilleure situation économique »
p.72

 Alg.Tun.Mar.Tur.Total
Retour défin.588650%
Provisoire1513-35%
Non retour--1-2%

Pour le retour provisoire, les plus jeunes et les célibataires

« Ce retour espéré est souvent contrarié par le manque d’argent. On ne parvient pas à faire des économies qui permettraient de repartir dans le pays et de vivre décemment dans celui-ci, dans le même confort qu’en France »
Le chômage du mari, le nombre d’enfants, la vie chère épuisent les petits revenus des familles immigrées
Les rares économies sont épuisée par le voyage annuel ou bi-annuel nécessaire pour garder contact avec le pays et la famille. Rares sont les familles qui envoient de l’argent à ceux des leurs qui sont restés au pays ; celle qui le font, sont celles qui ont une famille conjugale éparpillée »

Conclusion (page 74)
« L’homme vient seul le plus souvent, et appelle sa famille par la suite. Deux temps, dans le phénomène de l’immigration familiale sont donc nécessaire légalement, en tous cas incontestables dans les faits. Déjà par conséquen , la famille se trouve marquée par une séparation affective, économique et sociale, qui engendre un décalage entre la mari et le reste de la famille qui va le rejoindre. C’est là sans doute la première difficulté rencontrée par la femme musulmane : difficultés de réadaptation à la vie commune avec son mari, qu’elle connaissait déjà plus ou moins, et qui est issu d’un milieu culturel traditionnel. Ce premier choc est suivi de biens d’autres, comme nous l’avons montré : difficulté de l’isolement familial, de la langue, de l’argent, d’une ambiance religieuse qui fait défaut, d’une différence de culture entre les deux pays côtoyés, et d’un « racisme » vécu ou pressenti par le fait d’être « autre » et étrangère.
Dans tout cela, comment la femme réagit-elle ?
Le passage de la famille étendue à la famille restreinte et au foyer se fait apparemment sans heurts, selon évidemment la personnalité de chacun. Au contraire, si la femme est impatiente de retrouver sa famille pendant les vacances, d’avoir de liens par écrits avec celle-ci, et de garder un contact affectif solide, cette femme est bien souvent heureuse de connaître une indépendance dite occidentale. Elle parle plus avec son mari, le voit plus souvent ; ensemble ils font des courses, éduquent les enfants et prennent les décisions concernant le budget et la vie familiale.
Paradoxalement, l’isolement al est le plus dur à surmonter, mais nous croyons d’après notre recherche, qu’il ne faut pas restreindre cet isolement familial à notre propre conception. Cet isolement familial a une autre dimension que celui de la famille. Cet isolement familial, si douloureux pour les femmes est un isolement culturel qui englobe aussi bien la langue que le mode de vie, les traditions et la religion. L’atmosphère de vie communautaire, religieuse est la plus regrettée. Dans les faits concrets, notre hypothèse semble se confirmer. La femme veut rester en France, pour les enfants, pour le confort matériel et pour une certaine indépendance. La femme, est l’ « agent », qui réhabilite, qui maintient les traditions culturelles ; le Ramadan, l’interdiction du porc et du vin, l’accueil aux autres, la conception d’une « féminité » sont précieusement gardée, et réactualisée dans une communauté musulmane ».

 

 

Document 4 - La mise en place des Enseignements de LCO

La mise en place de l’Enseignement des Langues et Culture d’Origine (ELCO).

Extrait de : La scolarisation des enfants immigrés de la région angevine, sous la direction de Janine Brouard, ADATI-IPSA, 1979, p. 10.

 » La mise en place de l’enseignement intégré ne s’est pas fait sans difficultés. Il a fallu que les parents immigrés se regroupent en association pour formuler une demande officielle à l’Inspection d’ Académie. « Il ne faut pas croire que ce sont les gouvernements qui se sont un jour décidés à envoyer des enseignants en France, en Europe. Il  a fallu que les parents luttent pour avoir cet enseignement » dit un instituteur.

Et il précise également que les difficultés ont été aussi du côté français : « Ce n’est pas tout de suite que les autorités administratives françaises ont été acquises à l’idée d’une intervention des enseignants étrangers dans le temps scolaire. Il y a une dizaine d’années, un certain nombre de responsables disaient nettement :  » S’ils veulent apprendre l’arabe ou le portugais, qu’ils l’apprennent en dehors des heures de classe. Ils sont à l’école française pour apprendre le français « . Petit à petit, l’idée a fait son chemin, et a fini par être sanctionnée par des textes. Maintenant, c’est une situation tout à fait admise, et c’est plutôt le contraire qui apparaît anormal. C’est-à-dire l’intervention hors du temps scolaire ». Le Ministère, de son côté, a essayé de sensibiliser le corps enseignant à ces problèmes. Affectés à cet enseignement de la langue nationale, la plupart des instituteurs étrangers ont ressenti des difficultés de prime abord : de la part de certains enseignants français qui leur témoignaient de l’hostilité ou dévalorisaient leur enseignement. De la part de certains enfants peu soucieux d’apprendre une langue considérée parfois comme étrangère ou frustrés de ne pouvoir se livrer à d’autres activités prévues dans le tiers temps pédagogique. De la part de certains parents persuadés que le rendement de leurs enfants serait moindre à l’école s’ils n’assistaient pas à toutes les activités.

Mais de l’avis même des instituteurs, ces difficultés vont en s’atténuant.

En règle générale, chaque enfant suit l’enseignement intégré à raison de trois heures par semaine. Souvent de 13h 45 à 16 h 45. Les instituteurs interviennent dans les écoles où il y a une plus grande concentration d’enfants immigrés, à savoir :

– à Angers :        dans la Zup Nord, à l’école Paul Valéry (instituteurs marocain, tunisien, turc)

Dans la Zup Sud, à l’école Jules Verne (instituteur marocain et turc)

Dans le quartier de Verneau, à l’école Tarte-Y-fume (instituteur tunisien)

Aux Daguenets (instituteur marocain)

A l école des Cordeliers : institutrice portugaise

A l’école de la Madeleine :     »              »

A Trélazé : instituteurs marocain, turc, portugais. »

Mise en place des ELCO : La scolarisation des enfants immigrés de la région angevine, sous la direction de Brouard, ADATI-IPSA, 1979.

Document 5 - Témoignage d’un instituteur de Trélazé,

Témoignage d’un instituteur de Trélazé, recueilli dans le cadre d’une enquête sur la scolarisation des enfants immigrés, 1978.

3 4

Source : La scolarisation des enfants immigrés de la région angevine, sous la direction de Janine Brouard, ADATI-IPSA, 1979, p.8

Document 6 - Les enfants entre ici et là-bas

Les enfants entre ici et là-bas

1 2
Source : La scolarisation des enfants immigrés de la région angevine, sous la direction de Janine Brouard, ADATI-IPSA, 1979.

Document 7 - Pourquoi apprendre la langue d’origine

Pourquoi apprendre la langue d’origine ?

1978-1979 une enquête : lien vers les enfants immigrés à l’école

Les raisons invoquées par les parents pour le non apprentissage de la langue maternelle sont diverses :

« Ils sont trop jeunes et c’est trop dur pour eux »

« Ils vivent toujours avec des Français »

« Les cours sont trop faibles »

« Il n’y a pas d’enseignement (créole, cambodgien) etc.

Sur 21 réponses(sur 29) exprimant la nécessité d’apprendre la langue maternelle, 16 se rapportent au désir de maintenir des liens avec le pays d’origine :

-dans la perspective du retour définitif dans le pays (7 fois) : « On ne va pas rester tout le temps en France »

-dans la perspective du retour au pays pendant les vacances (3 fois) « Pour aller au Maroc, l’été »

-pour rester en communication avec le pays et la famille (6 fois) « la famille se moquerait de nous si mes enfants ne parlaient pas tunisien », « je veux qu’ils comprennent, sachent lire et écrire une lettre pour la famille’

-par nécessité ou conseil (5 fois). « C’est obligatoire pour l’école ». « Les maîtres ont conseillé ». »Les instituteurs l’ont dit ».

 

Les raisons invoquées par les enfants qui suivent les cours (sur 27 réponses) :

  • Par plaisir et pour approfondir sa langue (8)
  • Dans la perspective d’un retour temporaire ou définitif (8)
  • Pour communiquer avec sa famille et ses amis en France (6)
  • Par obligation imposée par les parents (3)
  • Pour conserver des liens avec sa culture d’origine (2)

Les motifs invoqués par les enfants qui ne suivent pas les cours (30 réponses)

*Un préjugé défavorable (professeurs, enseignement en concurrence avec le français (11 réponses)

* L’insuffisance ses structures (9)

*Les difficultés de l’apprentissage (5)

* Une connaissance suffisante de la langue (5)