Archives publiques
Document 1 - 23 février 1965 - Rapport du préfet de Maine-et-Loire au Ministre de l’Intérieur, Cabinet du Ministre
[après un rappel télégraphique du 14 janvier 1965]
Archives départementales de Maine-et-Loire, 257 W 98
Objet : enquête sur les conditions de vie de la main d’œuvre étrangère en France, Circulaire du 26 décembre 1964).
[ Le préfet fournit quelques données statistiques globales, 2401 étrangers titulaires d’une carte de séjour à la fin 1964, et en plus environs 500 Algériens. Il évoque ensuite l’emploi : 439 étrangers exercent des professions libérales : religieux 148, étudiants 92, commerçants 131, cultivateurs 68. 1072 sont sans professions, retraités, militaires, femmes , enfants. 890 enfin sont salariés. Puis il fait la synthèse des informations fournies par les chefs de service].
« La question des ouvriers agricoles ne pose pas de problèmes particuliers ; leur hébergement s’effectue facilement chez l’employeur ; de plus en plus, ce sont des saisonniers recrutés par contrat qui viennent travailler pour une période inférieure à 6 mois, les employeurs ne les conservant pas pendant la morte-saison. Pour les mineurs, il s’agit d’Espagnols et de Polonais venus depuis de nombreuses années logés par les sociétés minières et généralement assimilés à nos coutumes. Les employés du bâtiment forment l’élément le plus instable mais le plus important ; ils sont appelés à suivre les différents chantiers de leurs entrepreneurs qui leur assurent généralement le logement en baraquements ou en wagons ; ils quittent souvent le département avec la fin d’un chantier Une stabilité plus grande se remarque chez les ouvriers des industries de transformation (électriques ou mécaniques) bien que les Italiens dans la chaussure n’y fassent que des séjours d’une ou deux années de perfectionnement. Les commerçants sont principalement des Espagnols vendant fruits et primeurs, et des Italiens comme artisans mosaïstes et maçons. Leur établissement est généralement définitif.
Quand au personnel domestique, il est généralement aussi instable que le caractère temporaire de leurs services…
Les immigrants clandestins portugais après régularisation ont quitté le département pour la grande majorité d’entre eux. La venue des familles ne devrait se faire qu’après avoir confirmation d’un logement ; il est à noter, cependant, que les services d’immigration sont « court-circuités », et que des régularisations doivent se faire a posteriori. La faiblesse des effectifs salariés étrangers ne justifie pas un plan d’accueil et d’hébergement au niveau du département ; les sociétés utilisatrices prévoyant et assurant généralement les conditions matérielles de leurs employés. A noter cependant le Projet du syndicat patronal du bâtiment : ériger un foyer des ouvriers du bâtiment devant compter 300 chambres dans la ZUP Nord d’Angers.
Des cours privés de français sont donnés par des étudiants et suivis par des manœuvres algériens du bâtiment. La main d’œuvre originaire d’Algérie est également très mobile ; aucun contrôle administratif n’existe car les Algériens ne possèdent pas de cartes de séjour comme les étrangers, il est même très difficile de connaître le nombre de ceux qui ont acquis la nation française par déclaration, les services préfectoraux ayant instruit ces déclarations n’étant pas tenus au courant de la suite réservée à ces dernières.
Les effectifs algériens sont évalués à 500 environ dans le département. La moitié travaille au chef-lieu, principalement comme manœuvre dans les entreprises de travaux publics. Aucun foyer n’existe officiellement, mais des maisons occupées uniquement par des algériens des offrent une possibilité d’hébergement de 80 lits. Les entreprises de travaux publics logent environ 30 manœuvres. Le stage de formation professionnelle accéléré a été suivi par 7 Algériens et étrangers au cours de l’année 1964.
Les besoins des travailleurs étrangers et de leurs familles sont difficiles à recenser et chiffrer, en raison de leur dispersion dans le département, ce qui par ailleurs, facilite leur adaptation et leur assimilation ».
Document 2 - 1965 - Correspondance préfectorale et services de l'Etat
Archives départementales de Maine-et-Loire, 257 W 98
Petite note manuscrite dans le dossier de préparation de la réponse préfectorale
« Bouamana Mohamed, ADAF
Brochard, 25
30 rue des Arênes, 12, occupant sans titre, prop M de Brézé, tacite consentement
20, 51 rue Bressigny
aucun foyer algérien
Fonteneau logerait Tunisien et éventuellement algérien ».
Réponse du Directeur de l’Action sociale, février 1965.
« Les besoins sociaux des travailleurs étrangers et de leur famille sont difficiles à recenser et à chiffrer, en raison de leur dispersion sur le département, ce qui par ailleurs, facilité leur adaptation et leur assimilation […] Si un logement familial décent pouvait être assuré à chacun d’eux, aucun problème ne serait soulevé, car aucun équipements social particulier n’existe en Maine-et-Loire pour les étrangers »
Document 3 - 1 octobre 1971 - Réponse à une circulaire du 17 septembre 1971 du ministre de l’Intérieur (extraits)
Texte envoyé par le préfet, le 1er octobre 1971, rédigé à partir d’une note du directeur départemental de la main d’œuvre qui a interrogé des chefs d’entreprise et la Fédération patronale.
Archives départementales de Maine-et-Loire, 1018 W 62
Question sur l’emploi et l’absentéisme :
Les travailleurs portugais, à l’occasion de leurs congés, et les travailleurs nord-africains, à l’occasion de leurs congés ou de fêtes musulmanes, prolongent leur absence un peu au gré de leur fantaisie. Il convient de souligner que les employeurs, malgré les inconvénients résultant de ce comportement, l’admettent très bine, heureux qu’ils sont de retrouver une main d’œuvre qui leur fait défaut et qui les satisfait du côté travail. La quasi-totalité des employeurs, d’ailleurs, ne considèrent pas cette « absence prolongée » comme de l’absentéisme.Groupes professionnels d’emploi.
Algériens : Bâtiment 90%
Marocains : Bâtiment :
Métallurgie 5 à 8%
Métallurgie : à peu près égale
Tannerie :
Tunisiens : Bâtiment : quasi-totalité
Portugais : Bâtiment : grosse majorité
Le reste éparpilléLes employeurs unanimes reconnaissent que les Algériens et les Marocains sont plus assidus que les Tunisiens et les Portugais et que tous les Nord-Africains, dans le cadre d’une année de travail, voient leur activité réduite de 9 à 10 mois par suite de l’allongement de leur période de congé.
Ils sont tous unanimes également pour préférer les Portugais, sur le plan « qualitatif », malgré leur classement dans la catégorie le plus élevée d’absentéisme.
Document 4 - 7 juin 1977 - Un marchand de sommeil - extrait d'un rapport de police
Archives départementales de Maine-et-Loire, 1018 W 61-62
Le 51 rue Bressigny à Angers est souvent mentionné dans les dossiers des travailleurs marocains et tunisiens arrivant à Angers, et dans les témoignages recueillis. Ce bâtiment est fermé pour insalubrité en mars 1973. Un des deux propriétaires, M. C., fait intervenir le consul général du Maroc à Paris en sa faveur. Ceci nous vaut un rapport de police intéressant (7 juin 1977).
M. C., né en 1919 à Oujda, est entré en France en 1942, commerçant, il a résidé à Nantes jusqu’en octobre 1970. En septembre 1970, il a acheté avec B. l’immeuble du 51 rue Bressigny. C. a porté plainte contre le maire qui avait fait condamner les issues. En situation financière difficile, a habité rue Bressigny, 91, rue de Brissac, 12, rue du CIL, 40 rue Jean-XXIII, et actuellement 3, rue de la Poissonnerie. Influence marquante au sein de la communauté marocaine, a prétendu être le représentant du consul du Maroc pour le Maine-et-Loire.
Pour assurer ses revenus, il se faisait payer ses services. En raison de ses nombreux abus, on lui a refusé la présidence de l’association des Travailleurs et commerçants marocains d’Angers créée en 1977, et il n’ a pas été admis comme membre. Semble s’être reconverti dans le passage clandestin d’immigrés marocains vers la France. Il a des dettes, que la vente de l’immeuble ne couvrira pas. Sa moralité, ses condamnations sont un « mauvais exemple à la colonie marocaine, voire même nuire aux bons rapports qui doivent se développer entre cette communauté et la population française »…
Propose un non renouvellement de la carte de séjour, avis qui ne sera pas suivi par le préfet : la carte de séjour de C. est renouvelée en août 1977.
Document 5 - 5 novembre 1964 - Le voyage de trois travailleurs portugais - PV de la gendarmerie de Doué-la-Fontaine.
Archives départementales de Maine-et-Loire, 257 W 95
Monsieur C., pépiniériste à Doué, prévient la gendarmerie de la présence de « trois individus d’allure suspecte », route de Saumur, sous un appentis. Les gendarmes découvrent trois hommes autour d’un feu de bois, fatigués et les vêtements mouillés. Ils ne parlent pas français. Ils les conduisent à la brigade pour vérifier leurs papiers : ces hommes sont nés en 1926, 1922, et 1922. . « Devant leur état de fatigue, nous prenons toutes dispositions pour les faire héberger pour la nuit ». Le lendemain, le procureur contacté indique aux gendarmes de contacter le consulat du Portugal à Nantes, mais le commandant de compagnie de gendarmerie nous fait savoir que ces trois personnes vont être pris en charge par le service de la main d’œuvre de la préfecture.. « A 13h15, après s’être restauré à l’hôpital-hospice de Doué, et avoir acquitté le prix de leur transport, ces trois étrangers sont mis en route par le car Citroën ». Selon les renseignements recueillis, ils sont arrivés du Portugal à Paris par le Chemin de fer, ont été hébergés chez un cousin à Champigny-sur-Marne, puis sont allés en train à Angers puis à Cholet. . Ils ont pris un taxi de Cholet à Saumur, et ont marché de Saumur à Doué. « Le motif de leur entrée en France serait la recherche de travail ».