La concentration de l’immigration dans les grandes villes
du Maine-et-Loire (de 1945 à 1984)

L’immigration de main d’œuvre est attirée par les régions économiquement dynamiques. Dans les années 1960, en Maine-et-Loire, ce sont surtout Angers et Cholet. Dans une région à forte fécondité, Cholet attire pourtant grâce à la diversité de ses industries.  L’arrivée de réfugiés politiques, plus organisée, suit les mêmes directions. Cependant, les migrants ne viennent pas au hasard : ils sont accueillis par des compatriotes déjà installés, provoquant un effet boule de neige.

 

Même si Angers attire la majorité des étrangers avant la guerre, les besoins spécifiques des activités minières explique la présence d’étrangers dans les bourgs miniers des zones rurales, et donc dans les divers arrondissements administratifs du département. En 1939, dans l’arrondissement rural de Segré, il y a 314 étrangers, dont seulement 59 à Segré, mais 81 à Nyoiseau, village minier, 7,4% de la population.  Dans l’arrondissement de Cholet, 444 étrangers, mais 105 à Saint-Pierre-Montlimart, pour l’exploitation des mines d’or. Aux 1285 personnes d’Angers, il faut ajouter les populations étrangères des communes de la banlieue (Trélazé, 80, Saint-Barthélemy d’Anjou).

Répartition des étrangers par arrondissement (%, arrondis)

Arrondissement 1939 1948 1955 1980
Angers 55 60 63 46,5
Cholet

13

9

8

37

Saumur 23 24 22 13
Segré 9 7 6 3

La répartition de la population étrangère par arrondissement montre dans un premier temps le recul des arrondissements « miniers » (Segré, Cholet), puis dans un second temps l’attraction des deux arrondissements d’Angers et de Cholet, tirés par la croissance de leurs zones urbaine, et des activités industrielles en pleine croissance de 1965 à 1980 qui s’y implantent.  Dans une large mesure, l’immigration bénéficie aux villes.

Après la guerre, dans un contexte de  recul général de la population étrangère, la part des villes (Angers et Cholet, Saumur) augmente lentement en pourcentage jusqu’en 1955. A partir des années 60, l’arrivée de l’immigration de main d’œuvre provoque un court reflux des villes, puis l’affirmation de leur place dominante (et qui serait même plus forte si l’on intégrait les communes périurbaines d’Angers.

Les étrangers des trois villes  Angers, Cholet et Saumur), et leur poids par rapport à la population étrangère du département.

1939 1948 1955 1962 1968 1975 1984
Total des 3 villes

1613 1152 11032 983 2372 7401 11528
Total département

3438 2774 1999 2607 4000 10365 16246
Part des 3 villes (%) 47 % 41,5 % 52 % 38 % 59 % 71 % 71 %

Les étrangers forment 3,9% de la population d’Angers en 1982, ils sont 6,8% de la population de Cholet, 7, 7% de la population de Trélazé [1].

L’évolution de la  population étrangère à Angers de1962 à 1979

La population étrangère à Angers diminue jusqu’en 1962 [2] (700, contre 1200 en 1939) : c’est une « vieille » immigration, les deux groupes les plus nombreux sont les Espagnols et les Italiens. La situation en 1962 : deux tiers des Espagnols sont arrivés avant 1950, 54% des Italiens avant 1945. Les Polonais (44), les Russes (24), sont arrivés avant la guerre. Sur les 19 Marocains, 16 sont arrivés depuis 1940. 12 des 14 Tunisiens sont arrivés depuis 1954 (deux viennent de Mahares). Les 11 Portugais sont tous arrivés depuis la guerre. Etudiants (dont des Vietnamiens et des Libanais) et religieuses sont relativement nombreux. Les Algériens ne sont pas comptabilisés parmi les étrangers [3].

En 1968 (recensement) la population étrangère à Angers a doublé depuis 1962 : 1396 étrangers, soit 1% de la population. Si les divers Européens (hors France) ont  augmenté, la nouveauté est dans l’apparition de groupes nombreux de Marocains (180), d’Algériens (164), de Tunisiens (124). En 1972, la préfecture recense 2626 étrangers. Les Marocains sont devenus le premier groupe 686), les Tunisiens sont 518, les Portugais 286….

Angers : La progression se poursuit

doc5

La population étrangère à Cholet

La situation de Cholet est encore plus spectaculaire. Les étrangers y étaient très peu nombreux depuis les années 50 : 140 en 1962. Le groupe le plus important était celui des Italiens (56 en 1962, plus 10 enfants nés à Cholet) ; suivaient les Espagnols, puis 6 Yougoslaves arrivés en 1962, 2 Portugais arrivés avant guerre,  un Tunisien installé en 1954…

C’est en 1966 que commence la spectaculaire croissance de l’immigration à Cholet, formée à moitié de Portugais. Michelin ouvre son usine en 1969. Mais à partir de 1975, des réfugiés asiatiques sont accueillis à Cholet (dans un centre installé dans le foyer des travailleurs célibataires) et beaucoup s’installent  dans la ville: ils sont  1070 en 1984.

Du coup, Cholet est la grande ville de Maine-et-Loire où la proportion d’immigrés est la plus forte : 4,8% de la population fin 1975, 6,8% en 1982.

doc6

Jean-Luc Marais,
docteur en histoire et maître de conférences honoraire à l’université d’Angers.

[1] Chadia Arab, Les Aït Ayad. La circulation migratoire des Marocains entre la France, l’Espagne et l’Italie, 2009, p. 93.

[2] Liste nominative pour 1962 – ADML, 235 W 38

[3] Statistique des Algériens, 1964-1970 – ADML, 417 W 103. En 1964, ils sont 495 sur le département.